bookmark_borderC’est « Moi » le problème

Une réflexion sur le vivant : Cette série d’articles traite, de façon plus ou moins organisée, de l’hypersensibilité, de l’égo, de l’inconscient, de deux modes d’intentions en conflit, de la virilité, du féminisme, du capitalisme et du fascisme.

À priori, déjà, certains lecteurs et lectrices comprennent instinctivement de quoi va traiter mon article. Pour eux cet article sera un petit moment de réconfort et d’éclairage. Ceux qui ne font pas les liens sont probablement la cause du problème des premiers.

Je me dois de préciser le contexte de cette écriture. J’ai écris cet article à la suite d’une multi-réminiscence littéraire. Quatre livres qui sont venus faire chœur dans mon esprit à un moment de rêverie. Ce moment fut tellement intense et beau, que je me dois de tenter d’en écrire la substance. Ces livres sont Hamlet de Shakespeare, La Formation de l’Acteur de Stanislavski, La Psychologie de Masse du Fascisme de Wilhelm Reich et Le Rire de Bergson. Ce que ces livres ont en commun ? Ils rendent au vivant sa beauté et sa nécessité, en l’opposant à la vérité mécanique. Et de toute évidence, cette idée mérite d’être au cœur de tous les débats sociaux et sociétaux d’une ère en transition. To be or not to be, « Moi » est la question.

Pour être tout à fait intelligible par tous, il nous faut un référentiel commun. Je me propose d’être le référentiel commun, le temps de cette lecture.

Je suis Léopold Sauve, professeur de théâtre, artiste pluridisciplinaire spécialisé dans les mécanismes de la créativité. Ça, c’est comment je me présente tous les jours. En réalité je suis tout autre : Je suis un corps humain investi d’une particularité que je partage avec d’autres, l’hypersensibilité sensorielle. Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que de mon point de vue, je suis plus un corps humain hypersensible que Léopold Sauve, professeur de théâtre et artiste pluridisciplinaire, le second n’étant qu’un titre en conséquence du premier.

L’hypersensibilité, c’est quoi ?

Quand quelqu’un dit “je suis hypersensible”, il ne dit pas qu’il est un peu plus sensible que la moyenne et que c’est cool. Quand quelqu’un dit “je suis hypersensible”, il dit que son corps perceptif le surcharge d’informations jusqu’à le saturer. Et cela, c’est un don du ciel quand cette personne est un chaman amérindien, mais pour un occidental, c’est un vrai handicap social.

Connaissez-vous le principe du scanner, en yoga ou en hypnose ? C’est une technique qui vise à solliciter le corps perceptif afin d’induire une transe. Et bien l’hypersensible comme moi, en plus de subir de grandes quantités d’informations sensorielles, est, par effet de cause, induit dans des transes puissantes et involontaires, en permanence. Pour le monde occidental, ces aspects sont nommés : TDAH, HPE puis HPI. Comment pourrais-je être autrement que déchiré par un trouble à haut potentiel ?

Impossible pour moi, étant enfant, de suivre un cours de français ou d’anglais sans rentrer dans des délires oniriques silencieux, impossible de visualiser une courbe en mathématiques sans décoller faire du surf à Hawaï en regardant lentement la transparence de la fenêtre, impossible de suivre l’école sans culpabiliser d’être incapable, impossible de continuer l’école. Impossible de me sentir intégré à la société.

Impossible ? C’est sans compter sur la force insoupçonnée de la créativité, et de la puissance incomparable des méditations inhérentes à mes états, la force insoupçonnée de l’inconscient. L’esprit conscient, en terme d’intelligence, de lucidité, d’adaptabilité, est sans comparaison possible avec l’inconscient, qui en est une source d’efficacité et d’équilibre miraculeuse, pour peu qu’on soit ouvert aux mystères qui nous habitent.

Revenons en arrière et précisons un peu le processus : J’ai un organe (la peau) hypersensible ; je perçois fort ; les informations sont harcelantes ; Je ne peux pas tout conscientiser et surtout je ne décide pas de ce que je conscientise, mon inconscient est plus fort que moi (TDAH) ; Je rentre en transe au moindre stimuli ; Les transe émotionnelles sont les plus fortes (HPE) ; J’agis de façon absurde et irrationnelle ; Je dois réfléchir beaucoup pour survivre dans une société occidentale capitaliste, ou tout est ordonné par la volonté autoritaire, la vérité objective et la valeur des choses établies qui m’échappe ; Je suis sur-entraîné à réfléchir (HPI), et à méditer.

Je n’ai pas besoin d’un diagnostique, il me suffit d’observer. J’étais TDAH, aujourd’hui je ne suis plus que HPE et HPI. Je vais le dire autrement : Je vivais dans un puissant monde concret, omniprésent et fantastique, aujourd’hui je suis en grandes capacités induites.

Il n’y a pas d’autre trouble pour moi que ce qu’a pu être le regard des autres. Parce que dans le regard des autres, il n’y avait pas mon corps, il y avait Léopold.

Et Léopold,

C’est une fiction,

Léopold,

C’est vous qui le fabriquez.

Je comprends qu’on ai tous besoin de cette INTERFACE mais

Léopold

C’est l’interface outil

Entre mon vivant et le votre.

Léopold ne sera jamais mon identité.

Mon identité est dans ma capacité à réagir. Elle est une manière, un tempérament.

Quand les personnes que vous croisez s’appliquent à focaliser toute leur attention sur ce qui vous semble être le plus futile, vous vous sentez seul, et vous êtes tenté de jouer aux mêmes règles égotiques, mais votre corps vous en empêche. Vous êtes condamné à l’isolement. Vous serez probablement artiste, afin de tenter de réapprendre au gens à percevoir les choses avec leur corps, leurs sensibilités, vous chercherez à représenter cette chose universelle que vous entendez à chaque rencontre et qui s’appelle la nature humaine. La tâche est incroyablement dur, inatteignable dans ce monde, mais, encore une fois, votre peau décide pour vous. Et si vous l’ignorez un peu trop, elle somatise, elle est intransigeante, vous n’avez pas d’autre choix que d’abdiquer et de lui donner la barre. Et contre toute attente, c’est le bonheur qui vous attendait. Mais ça, c’est un autre sujet.

L’hypersensible, sa relation à l’image.

L’esprit fonctionne dans trois dimensions : L’imaginaire (l’intime), le dicible (le social), et le faire (le concret). Seul le faire est concret, seul le faire a un pouvoir rassurant parce que l’inconscient SAIT que l’imaginaire et le dicible sont le fruit d’interprétations variables, de représentations singulières par images ou par codes.

Dans le référentiel du corps, Mathilde est une fiction, le maire est une fiction, l’argent est une fiction, posséder est une fiction, le travail est une fiction, etc… Dans le référentiel du corps la sensibilité de Mathilde est fiable, l’amour des parents est fiable, savoir fabriquer est réconfortant parce que avoir est passager, agir est efficace, etc…

Par mes organes d’hypersensible, le monde est logiquement, j’ose dire naturellement défini ainsi. Je ne suis qu’un corps pars lequel s’exprime ma nature, ma nature animale, ma nature sociale d’être humain, indissociable de la nature avec laquelle je fusionne en permanence.

C’est donc que le “Moi” a une définition différente de celle qu’on m’a inculqué. Pour l’hypersensible, le “Moi” n’est pas un égo, n’est pas une image, n’est pas un rôle ni un statut, n’est pas Léopold. Pour les hypersensibles, le “Moi” est un corps tactile et odorant, régie par les mécanismes du vivant et animé par un moteur absurde et concret : la vie émotionnelle. C’est elle qui lui donne son identité, et c’est par les variations infinies de la gestions des émotions que l’hypersensible identifie ses alter-ego. Il n’est pas rare qu’un hypersensible ne puisse se souvenir d’un prénom, d’une coiffure ou d’une tenue, d’un nom propre, parce que sa mémoire est sélective et est spécialisée dans les émotions, les gestuelles, les patterns. Il ne se souviendra pas de votre prénom, mais il se souvient de la façon dont vous réagissez, la façon dont vous bougez, la façon dont vous pensez et des images collectionnées dans votre imaginaire. L’hypersensible est souvent un comportementaliste redoutable.

L’absurde n’est pas le chaos. L’absurde suit des logiques quantiques que l’on peut ressentir dans le fond d’une forêt. L’absurde c’est ce qui donne la forme des arbres, c’est encore l’absurde qui fait apparaître les prédateur et c’est aussi lui qui donne la mort. L’absurde, c’est la trace du vivant.

Le chaos, c’est quand il n’y a plus d’interaction, quand il n’y a plus d’incarnation.

C’est là que ce joue les sujets de mes derniers articles, à définir l’image comme un processus dont la partie visible évoque un fonctionnement organique, sensitif, émotionnel depuis le corps perceptif jusqu’au mouvement, dont la trace est le témoignage du vivant. On pourrait dire que l’image représente une activité du corps et elle en active les mécanismes de celui qui la regarde. À contrario le code, n’est que la manifestation d’un référentiel conceptuel désincarné, souvent l’information froide d’une autorité mécanique qui échappe complètement au corps et au vivant..

Léopold est un code, son visage est une image.

Ce que nous enseigne l’expérience de l’hypersensibilité dans son regard anthropologique :

Le code et l’image

Apollon et Dionysos

La vérité et la beauté

La volonté et l’émotion

Le mécanique et le vivant

La philosophie et la poésie

La politique et l’art

L’hypersensible découvre une société scindée en deux. Deux univers pour lui radicalement différents et même totalement opposés et en conflit. Le premier, dominant, structuré par la science et le sentiment de vérité, coupé du vivant grâce au pouvoir de la peur et de l’autorité, entièrement régulé par des codes de loi et où l’identité est une image désincarnée. Et le second univers, marginal, épris d’alternatives, producteur d’images, d’innovations culturelles et soucieux de l’environnement ; là où le vivant est une forme d’abandon délicieux.

La première sensibilité, celle que je dénonce volontiers, s’applique frénétiquement à maintenir les égos au dessus du processus du vivant parce que ce n’est rien d’autre que le capitalisme qui est en jeu, lui et tous les codes qu’il a généré dans un équilibre fragile aux proportions titanesques. La notion de pouvoir politique a évolué du ‘’j’ai le pouvoir donc je suis en mesure de faire” à “j’ai du pouvoir sur vous” : c’est l’intervention de l’égo dans un système social. Avec l’intervention de l’individu égotique au cœur de la machine sociale, le dérèglement politique est une fatalité. L’équilibre se fait dans une alternance de déséquilibres et le sentiment d’insécurité devient la source principale d’une peur permanente et chaotique. Nous sommes dans un système tragique ou la peur devient le moteur politique et où tout ce qui n’est pas identifiable devient ennemi. Ça, c’est le totalitarisme populiste. Si on ajoute à cela la nécessité de maintenir l’identité à un stade égotique fort, afin de mieux maîtriser les consommateurs dans leur besoins fictifs, on développe malgré nous le nationalisme. Il ne manque que l’autoritarisme pour avoir un système fasciste… Il suffirait pour cela que l’économie soit en tension pour justifier le fascisme dans une culture où les flux d’argent ont remplacé les flux du vivant. Voici l’état de notre civilisation dans le prisme de l’œil neuf hypersensible.

En physique quantique, une particule choisi son état au moment où elle est observée. Ne pas l’observer, c’est ne pas la définir. C’est pour moi une merveilleuse analogie d’un peuple qui a peur de nommer une chose en place, parce qu’en étant identifiable, elle finit par exister. C’est le genre de déni qui échappe aux hypersensibles. Le fascisme est là, partout, il ne demande qu’à entrer dans la loi, pour devenir un code et emporter les foules dans les frénésies identitaires irréversibles, qui seraient, au passage, fatales au vivant.

Il est très compliqué pour une nation de reconnaître ses structures fascistes. Parce que s’il finit par la reconnaître, cela appellera probablement une révolution, et le changement est si difficile à organiser dans les échelles humaines modernes qu’il en devient terriblement anxiogène. Le déni s’installe alors naturellement, fabriqué par tous, jusqu’à l’inévitable catastrophe environnementale qui interpellera directement les corps, incapables au déni.

Épilogue féministe sur fond de gestion des émotions.

C’est un sujet qui me tiens à cœur, et qui illustre, d’une autre façon, l’intention de mon texte à donner un plus grand intérêt aux processus du vivant pour combattre plus efficacement contre les cécités liées aux processus mécaniques.

De plus, je suis convaincu que dans le combat féministe réside de nombreuses solutions majeures et salutaires à l’humanité. Mais aussi parce que le féminisme a besoin d’un axe efficace et de moins de dispersion. Cela pourrait être résumé ainsi : Le problème des femmes, ce sont les hommes, et elles devraient les accuser de façon chirurgicale et dans l’intransigeance la plus féroce. Les femmes doivent agir pour revendiquer leur féminité, mais les hommes doivent agir également avec les mêmes intentions. Ils doivent accuser le virilisme et travailler leur féminité.

Chez l’être humain, dans le processus du vivant, celui qui amène au geste, il y a une étape des plus intéressantes et des plus mystiques aussi : Les émotions.

Les émotions ont plutôt mauvaise réputation dans notre société patriarcale. Leur origine est souvent mal connue, elles sont considérées comme absurde et dérogent à la règle social de cette vérité objective qui fait office d’autorité dans les débats populaires. De ce fait définir ce qu’est une émotion est une question qui s’affiche dans la longue liste des actes de procrastination.

Petit récapitulatif : Les émotions sont des réactions organiques, messages de notre inconscient qui influence notre comportement et génèrent des actions. Elles se distinguent des sentiments par la manifestation d’un grimace, d’un masque. Elles ont pour origine le traitement des informations du corps perceptif, qui, par des phénomènes de rythmes et d’abstractions créent une forme d’ambiance organique, le pattern, lui même à l’origine des sentiments. Le corps, en tant qu’organe, va générer une émotion qui va demander à être transformée en action. Exemple : Je sens un stimuli dans ma narine. Le stimuli est persistant, gênant. Je focalise sur la gêne (ou fait abstraction du reste), la gêne prend tout l’espace de mon ressenti et devient un rythme, un pattern. Ce pattern est conscientisé et devient un sentiment, l’agacement. En parallèle l’inconscient a fait émerger, depuis le pattern, une émotion : La colère. C’est un toute petite colère, mes émotions ne sont pas forcement spectaculaire, bien au contraire. Cette colère, va générer un action : Je me mouche. Le sentiment n’a donc servi qu’à conscientiser le pattern afin de le catégoriser dans le bon contexte, et a permis de prendre un mouchoir plutôt qu’un couteau.

Ce phénomène, ce processus, il est derrière chacune de nos actions, sans exception.

J’ai la chance d’enseigner le théâtre depuis très longtemps. J’ai donc pu faire des observations sur le long terme quant à la manifestation des émotions, ainsi que de leur gestion, par des profils variés de personnes.

Il y a clairement des tendances genrées qu’il faut attribuer à l’éducation. Ce que je m’apprête à écrire est donc une généralité liée à la culture et aucunement à l’inné, et les exceptions sont nombreuses, elles confirment la règle.

Il y a d’un côté les hommes. Ceux-ci sont dans la négation de leur émotions. Ils sont dans le contrôle et cela pour des raisons variables, qui souvent leur sont propres. Ces raisons sont finalement des prétextes pour adopter une attitude qui « correspond » à l’image qu’on attend d’eux. Celle d’hommes imperturbables, confiant, plein d’assurance, une virilité en somme, toute fabriquée, un homme efficace dans le monde capitaliste. C’est le virilisme. Le problème du virilisme, c’est justement que l’homme se coupe du moteur du vivant qui est en lui. En reniant ses émotions, il fini par nier sa nature même d’être humain et est incapable de raisonner avec incarnation, au dépend même parfois de sa propre virilité incarnée. Muet et destructeur, il est animé par la seule force de la volonté. La valeur est un soucis permanent, comme la puissance et l’efficacité. Par son désir de rigueur, il détruit tout ce qui lui est inintelligible, préférant le chaos à l’absurde parce que dans le chaos, il n’y a rien à ressentir, c’est plus facile. Il devient stupide et solitaire, et il agit la plupart du temps non à propos et avec beaucoup de maladresse. Aucune faiblesse n’est acceptée, et l’émotion est vécue comme telle. Dans une société patriarcale, il aura été précieux dans l’organisation d’une hiérarchie indispensable à la gestion d’une surpopulation. En créant cette organisation, il n’aura pas oublié d’en devenir l’autorité et il aura transformé la notion de pouvoir en une force autoritaire mécaniste. Voici un beau portrait du responsable du combat féministe, qui mérite toutes les critiques et toutes les accusations..

De l’autre côté il y a les femmes qui ont une gestion des émotions tout aussi ratée. Là où l’homme est en tension émotionnelle, la femme est en conflit. Autant l’homme n’écoute pas ses émotion que la femme est invité à y porter une attention particulière. C’est ainsi qu’on dit qu’elle est sensible. Le problème, c’est que l’homme lui interdit de transformer son émotion en action. L’action, c’est son rôle à lui, son rôle de mec qu’on pourra remercier et féliciter d’avoir eu la force d’agir dans le monde concret (c’est son territoire en même temps). Dès la plus petite enfance, le père aura tendance à régler les problèmes de sa fille, jugée trop mignonne et fragile pour se confronter à la dure réalité du monde. Alors le problème n’est pas que la femme aurait peur, c’est qu’on ne la laisse pas finir son processus émotionnel jusqu’à l’action. Et comme l’action est le seul moyen de porter au monde concret son intention, c’est aussi le seul moyen pour clore le processus émotionnel qui est là, rappelons-le, pour aucune autre raison. Si la femme n’agit pas en fonction de son émotion, elle ne finalisera pas son processus et l’émotion rôdera dans son corps comme un fantôme un très long moment. Soit, que se passe-t-il alors si une autre émotion arrive ? Elle s’ajoute et fini par rôder aussi. et ainsi de suite jusqu’à vivre dans une soupe émotionnelle ingérable. C’est le conflit émotionnel dans la charge émotionnelle.

Ces deux économies émotionnelles mécanistes sont sujettes à des explosions émotionnelles dévastatrices.

En terme d’émotion, L’homme est en tension, la femme est en conflit. Cela est un code établi qui se transmet de génération en génération et qui a pour conséquence tous les thèmes abordés par le féminisme.

Ce qu’on peut en déduire, c’est que de ce point de vue, l’homme est clairement le problème des femmes, mais pas seulement, il est aussi un problème pour tout le monde dans son économie émotionnelle foireuse. Le féminisme n’a aucune chance d’aboutir tant qu’il n’accuse pas directement le virilisme et ses origines puisées dans le déni émotionnel créé et entretenu par le capitalisme patriarcal.

Élire des femmes dans la machine politique ? Quel gain si celle-ci est animée par le virilisme ? Aucun, évidemment.

Le virilisme s’installe partout, chez les hommes évidemment, mais aussi chez les femmes, les queer, les enfants, et partout ailleurs. Parce que le virilisme est une énergie inconsciente dominante dans la culture occidentale, et que sa domination est une aberration pour le vivant, les occasions pour le dénoncer sont omniprésentes, et toujours elles sont pertinentes.

vous pouvez également lire ce texte, et le partager, depuis mon site internet.

bookmark_border« La poésie, l’amour et le deuil » ou « J’ai pas trouvé titre plus racoleur »

L’amour et le deuil sont deux sentiments qui habitent nos quotidiens. La poésie est une science qui raisonne par l’image. Cent seules et mêmes choses.

Ce texte est un brain-storming, ou une méninge-frite, comme une méditation poétique et anxieuse dans un blog qui se veut promouvoir la pensée incarnée au dépend de la connerie frénétiquement exprimée.

La poésie, l’amour et le deuil.

Le monde contemporain n’aime tellement pas la médiocrité qu’il en oublie d’être exigeant dans les petites choses les plus élémentaires. Les exemples sont variés et nombreux, et ils se manifestent dans des amalgames tragiques pour l’esprit et l’analyse. Ils ont également tendance à nourrir des psychosomatismes ou encore, à l’échelle d’une société, des comportements tragiques liés à une mauvaise connaissance de soi et du monde, une mauvaise connaissance mise en commun par le biais de la culture ; rien que ça. Demandez autour de vous ce qui différencie un sentiment d’une émotion, vous constaterez beaucoup de consternation. Demandez autour de vous ce qu’est l’imaginaire, une majorité donnera la définition de la créativité – comment un esprit qui ne sait définir correctement l’imaginaire peut-il faire usage correctement de sa pensée ? Demandez autour de vous ce qu’est l’amour, les réponses seront assez mystiques pour faire peur à n’importe quel esprit censé.
Voilà tout ce que j’aimerais réparer.
Voilà le piège culturel dans lequel est tombé l’esprit commun qui place son exigence dans la valeur de ses acquisitions et non dans la qualité de sa pensée.
Le mauvais usage de la culture est plus dangereux que le mauvais usage de la politique, puisque le second dépend principalement du premier. Il vaut mieux se méfier davantage d’une tradition que d’un homme politique. Il vaut mieux se méfier d’avantage d’un réseau social que d’un parti politique ; l’actualité me donne raison et les réseaux sociaux d’internets eux-même se désolidarisent de la vie politique en désavouant sans cesse leur responsabilité dans la vie politique, tout en nourrissant abondement celle-ci. Rien ne sert de crier au complot car le réseau social, qu’il soit ou non sur les internets, ne participe pas à la politique, il en est sa nature. « Basique, simple ». Si les Gafa se désolidarisent de Trump, entendez aussi qu’ils se désolidarisent d’eux même, si vous êtes touchés qu’untel aurait été banni d’un réseau, ne blâmez pas le réseau, mais votre dépendance à celui-ci. Avoir du pouvoir sur la culture est une charge qu’aucune administration ne pourra jamais assumer efficacement, car toujours, derrière la culture, il y a des intimités qui, elles, ont le pouvoir d’être lucide.

La poésie est une science remède, et une arme d’élite accessible à tou-te-s.

Ce blog est un poème lucide, une évasion dans la rigueur scientifique de l’erreur. Il participe à la raison plus qu’à la vérité. Il est une poésie généreuse et éclairée, une poésie pédagogique. C’est en tout cas mon intention.

La poésie est une science, une science exacte. Elle est une science exacte de l’erreur. L’esprit calcul sans cesse des images, il en fabrique, il en dissout et il en fusionne. La poésie crée la raison.

Une image n’est pas seulement une représentation figurative, elle est tout un process que je m’applique à définir dans ce blog. Merci de lire ces articles non sans intérêt, et de participer ainsi à mes recherches poétiques.

La poésie cherche la trouvaille. Elle crée des erreurs et repère parmi elles les erreurs fonctionnelles, celles qui pourraient être validées par la logique, l’esthétique ou une idée de la beauté.

La poésie perçoit, décrit, cherche la perception sans cesse. L’acte poétique, la praxis, donne forme dans l’abstraction et la synthèse par le filtre du poète. Le poème est une image, la poésie est le process pyramidal qui donne naissance cette image. De ce point de vue, la poésie incarne la raison, là où la philosophie cherche la vérité.

La force d’une poésie réside dans sa capacité à trouver. La force d’une science réside dans sa nature à valider. C’est la raison qui précède la vérité et on peut donc déjà considérer la poésie comme l’origine d’une science, tout comme la musique appartient aux arts mathématiques, auprès de l’algèbre et de la géométrie, et de l’astrologie.

Si la poésie est l’origine d’une science, le modèle de la « pyramide de l’image » est une base protocolaire pertinente pour valider la poésie comme une science à part entière. Si la perception est de qualité, si l’abstraction et la synthèse sont habiles, alors l’image tendra à être « juste » et viendra nourrir la grande collection d’un imaginaire, participant désormais à ses rouages.

L’imaginaire est cela, une collection empirique d’images qui nous servent à raisonner. La poésie, qu’elle soit poeisis ou praxis, en est la source. Votre imaginaire vous identifie plus que l’aspect de votre corps, plus que votre état civil ou votre CV. Votre imaginaire, c’est le monde dans lequel vous vivez et celui dans lequel vous rêvez quand ceux-ci sont fusionnés. C’est la richesse de votre imaginaire qui vous rendra ouvert d’esprit, et c’est sa justesse qui pourra vous rendre fier, etc. C’est la nature de votre imaginaire qui régie votre sociabilité et qui peut vous donner le sentiment d’appartenir au monde, ou de lui échapper, c’est lui qui vous laissera un sentiment de solitude ou d’abandon etc. Cette idée est simple à comprendre, encore faut-il l’incarner. Car ceux qui comprennent cela sont ceux qui prennent le temps de nourrir avec soin leur esprits, d’images choisies et de pensées justifiées. Si vous voulez être heureux, et en bonne santé, lisez des livres et pratiquez un art, des arts, vivez le sport dans ce qu’il offre comme expérience corporelle ; à contrario ne lire qu’un livre et s’en suffire, ne jamais donner forme à ses idées et ne pratiquer le sport que pour ce qu’il offre en qualité plastique, c’est devenir un produit du capitalisme qui vous a vendu tout cela, vous seriez désincarné et vos propos n’appartiendrait pas plus à vous qu’à une culture que vous n’avez pas choisi. Vous auriez alors l’impression que le monde se trompe, vous auriez le sentiment permanent d’être dupé et vous irez envahir le capitole américain alors même que vous seriez de culture musulmane et de nationalité chinoise (mauvais combo).

Il faut voir une image comme un process pyramidal, aller plus loin que son seul aspect.
À la base de la pyramide, il y a la perception. Au sommet de la pyramide il y a l’image. Entre les deux il y a au moins deux étages, celui de l’abstraction, et celui de la synthèse. Ces deux phénomènes actifs sont effectués dans des états de transe, ou de concentration conscientes et/ou inconsciente plus ou moins légers, plus ou moins profonds. Le corps est globalement plus concerné que l’esprit dans ce process. Les personnes qui jouent consciemment dans cette pyramide sont fréquemment qualifiés d’artistes, et c’est ce qu’ils sont.

Parmi ces transes il y a les transes que j’appellerais « immédiates », puis d’autres que je qualifierais d’au « long cours ». C’est comme s’il y avait plusieurs niveaux de concentration superposables. L’ensemble des transes, ou concentrations en cours forment un pattern qui définissent un état, ou même encore un « tempérament », souvent elles se manifestent, sous forme de sentiments, puis d’émotions.
L’amour est la manifestation la plus prenante de ce système. L’amour est un sentiment. Contrairement à une émotion, il n’y a pas de masque qui lui soit associé. Il y a le masque de la joie, de la peur, mais il n’existe pas de masque de l’amour. Ce n’est donc pas une émotion.

Pour comprendre l’amour, il faut admettre que c’est un sentiment. Il faut donc mieux comprendre ce qu’est un sentiment. Un sentiment est le fruit d’un état perceptif. Si je perçoit un danger, un sentiment s’installe et permet à mes perceptions de rester concentrées sur un aspect précis de mon umwelt. Autre exemple, une ambiance est une composition singulière de sons, d’odeurs et autres présences qui vont transformer mon état perceptif, et ainsi je serai animé d’un sentiment d’émerveillement, d’horreur ou encore de curiosité ou de tiraillement, etc…, à l’image de cette ambiance. Le corps s’est phasé, et sûrement malgré vous (spéciale cassdédie à mon très cher H.Michaux – une voie pour l’insubordination).

L’amour est un sentiment inhérent à l’être social, c’est à dire à l’être qui partage avec d’autre une perception commune du monde. En apprenant à vivre sur les mêmes codes, l’être social apprend à confondre son imaginaire avec celui d’un groupe. C’est ce qu’on appelle une culture. Par extension, il sait aussi confondre son imaginaire avec un semblable. L’amour n’est rien d’autre que cela. Deux personnes qui s’aiment perçoivent idéalement le monde de la même façon. Si cette réalité est véritablement utopique, le sentiment de percevoir le monde de façon similaire est raisonnablement captivant, disons plutôt passionnant et addictif pour un être humain.
Il y a donc plusieurs façon de vivre l’amour. On peut trouver l’amour de façon inattendu, c’est un coup de foudre avec quelqu’un qui pourra adopter un comportement qui trahira des similitudes sur les idées, mais aussi dans le pattern et jusque dans la façon de bouger, voir, pourquoi pas, dans la structure même de la physionomie. Ces rencontres sont rares et assez déstabilisantes. Une autre façon de vivre l’amour est l’amour que j’appellerais « historique » qui est un amour construit par la proximité et l’attachement empirique. C’est ici l’amour familial ou encore deux personnes qui ont nourri leur imaginaire avec des situation communes. Le syndrome de Stockholm pourrait aussi en être une forme manifestation un peu plus complexe. Deux volontés parallèles peuvent parfaitement faire aboutir ce type de sentiment amoureux, le sentiment n’en sera pas moins vrai et fort, il faut juste du temps pour construire le sentiment. Il est vrai que ce n’est pas là le modèle Disney qui a largement pourri notre imaginaire collectif et limitant l’amour au seul, rare et utopiste amour immédiat. Il y a la un conflit culturel concret aux conséquences véritables, on ne peut imaginer à quel point.

Pour bien définir l’amour et compléter ce chapitre, il est intéressant de définir l’amour dans ce qu’il peut proposer d’abstraction. Pour cela il suffit de décrire un deuil amoureux et tout devient déjà plus clair : Deux personnes s’aiment, une des deux disparaît, laissant l’autre seule dans l’imaginaire commun. L’imaginaire dans lequel existe la personne endeuillée est l’imaginaire d’un monde qui va de pair avec la personne disparue. Cette réalité n’a soudainement plus aucun sens pour cette personne. Alors elle entre en deuil, c’est l’émotion de la tristesse qui prédomine au point de prendre la forme d’un pattern et enfin d’un sentiment, d’où ne peut émerger que de la tristesse. C’est le schéma tragique classique, la boucle émotionnelle de la tragédie. Le deuil ne peut s’arrêter que quand la personne décide de redéfinir le monde. La tâche est énorme pour ceux qui ne sont pas entraînés à la poétique, et cela peut induire un découragement immense, voir une démotivation totale qui a le pouvoir de trouver l’issue jusque dans la mort et qui ne serait alors que l’écho de la première disparition, par simple esprit de cohérence.

La poésie crée l’imaginaire, l’imaginaire crée l’individu, l’individu crée l’amour, l’amour crée la société, la société crée la culture, la culture crée la poésie. Chacun de ces moments est ajustable.

Merci d’avoir lu cet article.

bookmark_borderL’égo, l’image et le code, et le succès populaire du fascisme.

Dans une société humaine où l’image est une identité, comment la communication use des faiblesses intellectuelles pour faire élire des tarés.

Démonstration par l’étude de la pyramide de l’image.

L’image est à la racine de la pensée, c’est elle qui la compose. Mieux comprendre ce qu’est une image permet d’interpréter sensiblement le monde pour s’en faire une interprétation pertinente.

Qu’est-ce qu’une image et quel lien pouvons-nous faire avec l’égo ?

Une image est le fruit d’un process biologique et mental. D’abord le corps perçoit, ensuite il trie les information, se créant un pattern. De ce pattern inconscient le corps, par des phénomènes de transes légères, va conscientiser un état. Cet état va être ensuite représenté sous forme d’idée, de comportement ou tout autre forme d’expression qu’un alter ego va pouvoir interpréter. C’est la « pyramide de l’image » que je traite tout au long de ce blog.

J’aimerais commencer par préciser la fonction de l’image. Une image nous sert par ce qu’elle représente, dans le fond et dans la forme. L’image exprime quelque chose et son usage est d’être montrée. L’image a pour vocation d’être perçue et ce qui est montré n’est pas seulement l’image mais finalement tout le processus qui a généré l’image. Un dessin évoque une forme, des traits interprétables, bien au delà de sa condition faite d’encre et de papier, mais elle reste un trait sur un papier. Et c’est très important ici, l’image est, ici, avant tout, la représentation d’un process organique.

Commençons par créer une image de toutes pièces, à la manière de Francis Ponge :

  1. L’image représente. Elle représente non pas une chose mais un process. À la racine de ce process, il y a la perception. Je vois du vert, du blanc et du jaune.
  2. Après, la perception se rythme par un pattern. Au milieu d’un vaste ensemble uniforme de petite tiges vertes, je perçoit une forme étoilée blanche avec un centre circulaire jaune. Tout est vert sauf ce petit élément blanc et jaune. Mon corps se sert alors d’un outil inhérent à toute forme d’intelligence : l’abstraction. Je repère un défaut blanc et jaune dans mon pattern vert, je fais abstraction du vert et me focalise sur les couleurs jaune et blanche.
  3. Le phénomène remarquable est isolé, sa forme étoilée peut être comparée à d’autres formes similaires mémorisées dans mon imaginaire.
  4. L’image surgit, c’est une fleur, une marguerite dans une prairie d’herbes courtes (une petite pensée pour Whitman au passage).

Si vous connaissez « La rage de l’expression » de Francis Ponge, vous reconnaîtrez ici sans peine dynamique poétique de ce livre pédagogique.

Ces quatre temps composent ce que j’appelle la pyramide de l’image.

Que vient faire l’égo dans cette histoire de fleur ? Je copie la définition de Wikipédia donnée à la page relative à l’égo. Nous obtenons cette définition :

L’ego (ou égo, d’après les rectifications orthographiques de 1990) désigne la représentation et la conscience que l’on a de soi-même. Il est considéré soit comme le fondement de la personnalité (notamment en psychologie) soit comme une entrave à notre développement personnel (notamment en spiritualité).

Nous pouvons y lire que l’égo est une représentation. J’entends donc volontiers par représentation de soi-même que l’égo est une image de soi-même. Je rappelle que le mot latin « imago » est un masque mortuaire, soit une représentation d’un visage pour évoquer le souvenir et la mémoire d’un corps vivant. L’image est par essence une représentation. Une représentation est étymologiquement une image.

Si le Moi est une image, il/elle devrait se construire sur le même modèle que notre marguerite. Soit une perception, puis un pattern, ensuite un état et une représentation.

Si l’égo est une image, il doit être la représentation de quelque chose qui doit avoir comme usage de se montrer.

Ceci me rappelle à quel point l’être humain est un être à caractère indubitablement social et que le lien social ne peut exister sans qu’il n’y ait une intelligibilité de l’alter-ego. La nature de l’être humain est dans sa capacité à interagir (cela pourrait même être une définition du vivant). Si je ne peux pas comprendre qui est mon alter-ego, je ne peux pas rendre l’interaction constructive, efficace, je ne peux pas « faire société ». De la même façon, si je ne suis pas intelligible pour mon alter-ego, je ne peux pas interagir avec lui.

Faisons un peu de théâtre, ou du moins, de la comédie. Parce que le théâtre est un art qui fondamentalement représente les interactions. Pour que le jeu du comédien soit juste, celui-ci doit se mettre dans un état qui colle à celui de son personnage. Le comédien va donc se créer un état fictif. Pour ce faire il simule une perception globale grâce au pouvoir de son imaginaire, de cette perception il va pouvoir faire émerger un pattern, puis un état. De cette état va émerger un sentiment depuis lequel va « fleurir » une ou plusieurs émotions. L’émotion se distingue du sentiment parce qu’elle est habillée d’un masque (le masque de la peur, de la joie, du dégoût, etc…). Puisqu’il y a le masque, c’est que l’émotion a un usage caractérisé par la communication de son état. On peut simplifier en disant que l’émotion est l’image d’un sentiment qui est l’image d’une perception, et que son objectif est de susciter l’empathie chez son alter ego, et donc l’intelligibilité d’un état, qui va pouvoir accorder les comportements des personnages dans une situation commune par le biais de l’empathie.

(Pyramide de l’image en comédie
: L’émotion est l’imago d’un sentiment qui est l’imago d’un état qui est l’imago d’une perception. En comédie, si l’émotion est jouée de façon brut, cela s’appelle du surjeu. Si l’émotion n’est pas jouée directement mais laissée émergée via sentiment construit par l’élaboration d’un état, alors le résultat est dans la justesse recherchée.)

Il a été montré que dans la famille des émotions, il en existe sept qui sont universelles. Ces sept émotions universelles se retrouvent chez tous les être humains de la planète, elle se manifestent avec les même masques indépendamment de la culture. Ces sept émotions sont innées, inscrites dans le code génétique de l’individu. Se représenter soi-même est une chose inscrite au plus profond de notre nature.

L’égo, de la même façon, est un phénomène naturel présent en chacun de nous et qui a une valeur comportementale utile, mais laquelle ? Si l’égo est ce moi qui se représente, c’est qu’il a une utilité sociale. L’égo est cette partie de la conscience qui ajuste notre comportement pour le rendre adapté à l’autre. Il est une forme de police mentale qui régule le comportement pour que l’individu puisse »appartenir au monde » ! C’est la base de notre sociabilité ! (Et fi de tous les ésotériques individualistes qui méprisent l’égo comme un poison, il n’ont pas conscience qu’ils ne parlent pas de l’égo, mais d’une mauvaise définition de celui-ci.)

Une société complexe comme la nôtre nécessite d’autres représentations de l’individu. Hannah Arendt explique dans « la condition de l’homme moderne », que la surpopulation d’une société nécessite une organisation de ses membres, justifiant une hiérarchisation. Il faut donc rendre ces membres identifiables pour leur attribuer une fonction. C’est ici que nous autres, nous nous retrouvons avec un état civile, une carte d’identité, un numéro de sécu et plein d’autres formes de matricules. L’état civile est l’image de notre égo dans la société contemporaine, dans le pattern de la foule moderne. C’est une mise en abîme qui n’a jamais été prise en compte dans l’organisation des démocraties, alors que c’est ce qui devrait la distinguer des autres régimes plus totalitaire.

Et c’est ici que la sensibilité de l’individu se perd massivement. En effet demandez à quelqu’un qui il est, il vous donnera plus facilement son patronyme, ou sa fonction, que son tempérament. Et c’est quand cette abstraction violente de notre sensibilité devient une norme que la déshumanisation s’initie dans une société, et que l’égo se transforme en une fiction de nous-même.

Que se passe-t-il si l’égo est remplacé par une image altérée de soi-même, cad par une image amputée de son tempérament. Si l’égo, celui qui régule le comportement pour le rendre sociable, est amputé de son tempérament, alors l’individu devient le produit d’une influence plutôt que le produit d’une intelligence sensible et légitime ! Ce qui, au passage, correspond tout à fait à l’idéal capitaliste et explique comment tout notre système économique et social nous éduque à n’être que des pourceaux de femmes et d’hommes libres.

Que devient une image quand on l’ampute de l’origine sensible de son process ? Si on enlève à l’image l’origine de sa genèse, soit la perception organique qui lui a donné naissance, on obtient ce qu’on appelle un code. Un code est une image qui fait référence à rien, et dont l’origine est une logique pure au dépens d’une perception sensible. Se vêtir d’un code vestimentaire est une façon de s’habiller en référence à une chose, mais ne permet pas pour autant d’incarner cette chose. Le code de la route est un ensemble de règle qu’il faut respecter pour organiser logiquement la circulation, mais interdit par là-même de conduire instinctivement ; le code pénal fonctionne de même. Le code secret est une image sans fondement, ce qui le rend impossible à deviner. Etc… Le code est donc une image à laquelle on a enlevé sa racine faite de perception et d’incarnation. Une publicité est un code, une marque est un code, les réseaux sociaux sont noyés de codes etc… notre société baigne dans ces images altérées, nourrissant les esprits de suffisances et dont les membres finissent par en acquérir la logique pour les adopter, leur donnant l’impression de comprendre chaque chose, d’être capable de raisonner intelligemment mais sans jamais être capable d’incarner ses idées. C’est l’idée d’une intelligence désincarnée. Ceci est vrai dans chaque mouvement de masse, dans chaque psychologie de masse et est présent dans chaque communauté qui ne met pas en avant l’intérêt de la sensibilité et du libre arbitre. C’est aussi ce qui est à l’origine de formes violentes de manifestation idéologique.

Et c’est quand le code devient omniprésent qu’on enseigne la crédulité à l’individu. Et un individu qui construit son égo via la logique du code, au dépens de la pyramide de l’image, devient un être manipulable et incapable d’empathie. Que se passe-t-il quand on ampute un être de ses capacités à ressentir ? Il nourri une société qui est en proie aux influences les plus nombreuses et absurdes. C’est ce qui donne naissance au mouvements radicaux et populistes. C’est ce qui rend le totalitarisme séduisant pour certains intellectuels. C’est ce qui ouvre les portes à la désinformation la plus vertigineuse. C’est sur ces valeurs désincarnées que le président Trump existe de façon très spectaculaire. C’est ce qui rend la religion potentiellement dangereuse. C’est ce qui rend l’art moins intelligible, au profit de la propagande. C’est ce qui fait les sociétés fascistes, rien que ça.

L’individu par le code n’est rien d’autre que l’entité d’une société désincarnée. Mon sentiment est que cette humanité est celle que nous habitons aujourd’hui.

La seule solution que je suis capable d’estimer efficace, est d’intéresser les populations aux pratiques artistiques. Et il ne s’agit pas de consommer, il ne s’agit pas d’acheter un beau dessin ou écouter la meilleur musique possible, mais bien de pratiquer, de prendre un crayon ou une guitare et de construire sans relâche dans le but de perfectionner la justesse de l’image, dans ce qu’elle représente comme perception, dans le jeu du partage et de la représentation.

La culture est-elle un produit non essentiel ? Si on considère la culture comme celle qui est nourrie par ces égos désensibilisés, alors oui, c’est une bonne chose à mes yeux. Si la culture est la représentation d’une société faisant interagir des êtres sensibles à la justesse de leur ressentis, alors elle est plus que nécessaire, elle est une essence pour une humanité libre et en bonne santé, au delà de tout les détails qui sont exposés dans les médias.

bookmark_borderImages floutées

L’image est à la racine de la pensée, elle est la nature même de ses rouages. Qu’est-ce qu’une image ? Comment construit-on une image ? Comment lit-on une image ?

Pourquoi flouter une image ?

Qu’est-ce qu’une image ? Comment construit-on une image ? À quoi sert une image et comment faut-il la lire ? Pourquoi, alors, flouter une image ?

« Imago », son ancêtre latin, signifiait le masque mortuaire. L’« imago » est donc un objet créé par globalisation, pour simplifier un sujet et le rendre plus efficace comme outil de réflexion ou de mémoire.
Les images sont partout. Elles sont tout ce qui est sur nos écrans, et en permanence. Elles sont les mots eux-mêmes, les mots écrits sont l’image des mots parlés qui sont eux-même l’image des choses évoquées par le concept du mot. Et l’image peut-être beaucoup plus encore.
Nous pensons en image et notre esprit n’est qu’une immense bibliothèque d’images rangées dans la nébuleuse de notre connaissance empirique, qu’on appelle plus couramment notre imaginaire, trop souvent amalgamé avec la créativité.

Si l’image est le fruit d’une globalisation, elle a donc, dans sa genèse, subit des abstractions. Ceci pour focaliser un sujet sur un de ses aspects : l’aspect utile à l’esprit, celui qui permet de raisonner lui conférant ainsi un pouvoir narratif. L’abstraction est le moteur de l’image.

Voici typiquement comment nous nous servons de l’image : Enfant, j’ai appris qu’un morceau de bois ou de métal qui avait cette forme si singulière s’appelait une cuillère, et qu’elle servait à sélectionner une partie de mon repas pour la porter à ma bouche. Depuis, je sais reconnaître une cuillère instantanément, je peux la nommer, et il m’est plus facile de deviner l’usage qu’on peut faire d’une pelle.

Pour construire une image, le chemin est très long.

En premier lieu, il faut percevoir, comme chaque chose qui concerne la vie incarnée. Alors je perçoit mais lorsque mon corps perçoit seulement, il perçoit tout. Quelques personnes on fait l’expérience de perception accrue dans des états de transe. Mais percevoir sans filtre est une chose assez déroutante et finalement, assez inintelligible. Difficile d’être vigilant simultanément en chacun de mes sens et de toutes les choses qu’ils sont capables de percevoir.
Il faut donc trier les informations, et si possible celles qui sont pertinentes. Il faut abstraire.
Comment trier par l’abstraction les choses qui ne sont pas remarquables. Et qu’est-ce qui n’est pas remarquable pour le corps ? On peut essayer de répondre :
Dans le bruit de cette perception, certaines sensations sont plus fortes, ou plus fréquentes, donnant à notre perception un sentiment de schéma que les anglophones appellent « pattern ». Je ne connais pas la traduction en langue française de ce « pattern », je doute même qu’elle existe. Les musiciens, eux, sont familiers de ce terme qui indique l’état dans lequel se joue et se ressent un rythme, une mélodie. Le pattern est donc la perception utile derrière le filtre d’une abstraction perceptive. Le pattern est l’imago de la perception.

Quel est maintenant l’imago de ce pattern ?
En d’autre termes, comment l’esprit arrive-il à rendre un pattern utile ? Avant de rendre un pattern utile, il faut d’abord le conscientiser. Pour ce faire, le corps fabrique un état de ce pattern. Cet état peut-être une sensation très localisée comme la sensation d’une coupure, avec l’image de la plaie, une sensation plus généralisée comme une état d’intoxication ou de bien-être. Pour l’espèce humaine elle peut aussi se manifester sous la forme d’un sentiment. Gardons cet exemple du sentiment qui est un exemple d’un intérêt tout particulier dans notre société.
L’abstraction, à ce stade, est l’abstraction mécanique induite par la spécialisation organique du corps. C’est le filtre de ce dont notre corps est capable, l’abstraction étant en ce que le corps est incapable de produire et de ressentir par ce qu’il est.
Le sentiment est donc l’imago d’un pattern qui est l’imago d’une perception. Mais le sentiment n’est pas encore une image, puisque il n’est pas encore une chose utile en soi. Il encore une chose subie.

Ce qui va rendre un sentiment utile, c’est ce qui va lui permettre d’avoir une impact dans le monde physique, parce que c’est dans le monde physique que les entités interagissent. C’est ici que l’image surgit : dans cette exemple elle est l’émotion.

L’émotion aussi est souvent amalgamée avec le sentiment, et c’est ce double amalgame imaginaire/créativité – sentiment/émotion, qui me pousse à écrire ce texte. Rien n’est plus important aujourd’hui que de mieux définir ces choses qui sont à la base de notre esprit. Un troisième amalgame de toute importance sera dénoncé dans ce texte.
Comment distingue-t-on un sentiment d’une émotion ? C’est le masque. Il y a le masque de la colère, de la joie, de la surprise, etc… mais il n’existe pas de masque pour l’amour, le bonheur et le déshonneur. Et c’est en cela que l’émotion est une image utile : la communication.

L’émotion est donc l’image d’une perception par ce qu’on pourrait appeler la pyramide de l’image. L’image de la pyramide est pertinente car à chaque marche de la pyramide, les bords sont rognés par l’abstraction.

UNE PYRAMIDE DE L’IMAGE

L’artiste est une sensibilité capable de voyager dans cette pyramide, il sait créer des images et il sait aussi les interpréter, en comprendre l’origine. C’est le fruit d’un entraînement.
Et c’est en cette qualité d’artiste que j’écris ce texte, parce qu’une image est une histoire vraie et incomplète, et que la société dans laquelle je vis dénature complètement cet outil fondamental, et que nous en souffrons tous. Notre société du spectacle a totalement détruit les bases de cette pyramide, créant le pire des amalgames. Qu’est-ce qu’une image sans le pattern, sans la perception ? C’est un code ! Et nous nageons dans les codes que notre culture folle s’entête à appeler une image.
Ce dont je parle ici n’est rien d’autre que l’essor des pensées fascistes, du succès de Trump et des complotistes, du fanatisme religieux… Je pense que chaque acteur de ces déviances comportementales est une personne qui ne sait pas lire une image, mais qui est capable d’assimiler n’importe quel code comme étant une image, et de l’apprendre comme une vérité.
On ne peut pas concevoir l’artiste plus précieux dans ce monde qu’avec ce genre d’analyse.

Pourquoi flouter une image alors ? Parce qu’en faisant abstraction de l’essence d’une image, de ce en quoi elle est pertinente, on lui enlève sa force, sa nature et son origine sensible.
Pourquoi flouter le visage d’un policier si ce n’est pour focaliser sur son uniforme, qui devient un rôle de machine déshumanisée, la confortant elle-même dans ce rôle mécanique.
Un policier est-il un représentant de l’état (une image de ses compatriotes), avec un visage humain, quelqu’un qui se lève le matin pour agir dans le monde comme chaque entité démocratique, ou un simple acteur de la répression d’un monde codé qui ne reconnaît plus la peur et la douleur dans les visages de ceux qu’il cogne ?

Flouter une image, c’est faire abstraction de la perception qu’elle évoque. C’est faire abstraction de l’expérience qu’elle propose, c’est faire abstraction de cette image, rien d’autre. C’est vivre avec des codes, encore plus, toujours plus.

Flouter une image, c’est faire abstraction du corps de celui qui la lit, c’est lui apprendre à raisonner avec des codes, et finalement, se désincarner.

bookmark_borderProjet de blog, raisonner via la science poétique, la pyramide de l’image

Dans le temps dilaté du confinement, je me lance dans une série d’article. Pour mieux lire ce blog, et pour mieux l’écrire aussi. J’explique ce projet comme une lecture de chaque chose invisible du quotidien par la logique de l’image. J’essaie de démontrer que comprendre la nature de l’image permet d’interpréter quasiment tout ce qui nous est intelligible. Pourquoi et comment ?

J’enseigne le théâtre depuis plus de dix ans. Cette activité permet de réfléchir et de mettre en scène tous les aspects du corps, de l’individu et de ses interactivités, et de la société dans la quasi totalité de ses domaines. J’adore cela.

Ces temps d’isolement de crise sanitaire m’amputent de mon activité. J’ai donc du temps pour m’adonner à l’écriture d’une théorie qui me démangeait depuis longtemps. J’appelle cette théorie la « pyramide de l’image ». Mon sentiment est que cette théorie est un outil de réflexion radical. Par radical j’entends « à la racine » de ce qu’est l’esprit. Je la reconnais aujourd’hui dans chaque chose que je traverse, dans chaque rencontre, dans chaque lecture et chaque actualité. Elle est devenue pour moi une façon de lire le monde et mon désir est de la partager, dans chacun de ses aspects, et ainsi vous la confronter.

La théorie est assez simple, mais sa nature organique la rend assez difficile à traduire en un texte concis. C’est pourquoi je vais essayer d’écrire une série de textes, traitant de sujets très divers avec toute la méticulosité dont je suis capable, par la lecture que propose le prisme de cette « pyramide de l’image ».

Que raconte cette « pyramide de l’image » ? Comme je le disait l’idée est assez simple, et je la trouve pertinente. L’esprit se fabrique une collection d’image pour raisonner. Le fruit de ses raisonnements sont également des images. Au commencement de l’esprit libre, il y a le corps qui perçoit. Ensuite l’inconscient qui organise. Puis la conscientisation émerge par le biais d’une transe, ensuite une image est créée pour la mise en mémoire et la création d’expérience. Cette image servira ensuite d’outil pour raisonner plus vite, plus profondément, créant une nouvelle forme de perception, intelligente cette fois et pouvant déboucher sur un nouveau cycle, une nouvelle pyramide de l’image.

Je précise que le terme image, dans ma bouche, peut autant désigner une photographie, qu’un film, qu’un son, qu’un personnage, ou tout ce qui peut correspondre au sommet de la « pyramide ». Voir schéma en bas de l’article. Une photo étant l’image d’un espace, un film l’image d’un mouvement, un son l’image d’une matière, et le mot cuillère est l’image de l’objet qui a la forme et l’usage qu’on fait d’une cuillère, etc…

Mon idée, à l’origine, était d’essayer de définir une règle qui concernait tout ce qui pouvait être intelligible (rien que ça, mais je n’ai aucun complexe à démarrer des chantiers inaccessible, l’habitude de la poésie sans doute), après avoir réussi à avoir fait un parallèle improbable entre l’émergence d’une émotion humaine, et la manière dont un chien (nommé Banane) cherche et trouve un bâton qu’on lui avait lancé dans son dos. Peut-être je raconterai ces parallèles un jour.

Maintenant, pour ce blog, il me faut traiter des sujets pour illustrer cette logique, mais quels sujets ? Je ne connais pas grand chose en philosophie, en science un peu plus et il m’apparaît un livre référence dans ces deux domaines : « Le traité des couleurs » de Goethe. Plus que le traité en question, la préface de Steiner que je vous invite à mettre en évidence dans votre bibliothèque. La préface de Steiner explique très justement que lorsqu’on cherche à parler de science, de logique, ou de rhétorique, il ne faut pas faire diversion avec des propos trop forts et stimulants, déformant la réceptivité du propos (dans le traité des couleurs, Goethe cherche, plus que de traiter des couleur, de traiter de la juste démarche scientifique). Mais nous sommes en 2020, et cette idée aujourd’hui manque de substance et je ne peux me résoudre à parler seulement de couleur, de parfum ou de texture. Et puis je ne suis pas Goethe, évidemment.

En plus de quelques réactions sur l’actualité, je me lancerai donc également dans la dissection, morceau par morceau, d’un phénomène toxique au bien-être des corps et des esprits contemporains, qui a parfaitement sa place sur ce site : le complotisme. Il est un sujet prolifique qui me permettra, par dissection, de traiter beaucoup de sujets et de faire valoir ce regard par l’image.

Si vous voulez jouer avec moi, je vous invite à me proposer des thèmes de réflexion que j’essaierai d’interpréter via cette théorie. Parce que peut-être qu’elle n’est aussi qu’une poésie, un jeu, dans tout les cas elle est démunie d’enjeu néfaste. Mais j’espère qu’elle saura vous bluffer autant qu’elle m’a bluffé.

Une pyramide de l’image